"[Dans les années soixante, l']expansion continue de la conjoncture transformait également les paysages campagnards et urbains. Les villes prirent de nouvelles dimensions en hauteur et en étendue, et les formes architecturales traditionnelles, qui donnaient à chaque localité son cachet particulier, firent place à de grands blocs cubiques et dépouillés. Le réseau routier s'étendit, se couvrit d'asphalte et de béton, sans pour autant suffire à drainer un trafic toujours plus intense. L'eau se mit à sentir les détritus, l'air à puer les gaz d'échappement, et le bruit des moteurs devenait un fond sonore permanent. Mais l'attention se fixait sur un autre changement: l'immigration massive de travailleurs des pays méditerranéens, qui s'installaient petit à petit dans toutes les régions du pays, s'engageaient dans toutes les branches de l'économie, introduisaient leurs familles dans les immeubles locatifs et leurs enfants dans les écoles. Souvent plus bruyants et plus vivants, moins soucieux d'ordre et de propreté que les indigènes, que les Suisses allemands en particulier, les immigrés apparaissaient parfois plus habiles à décrocher de petits avantages.
[...] Un nouveau réflexe défensif apparut, dirigé contre ce qu'on nomma la surpopulation étrangère; il culmina lors de la votation populaire du 7 juin 1970, qui connut un taux de participation record (75% des électeurs masculins); 46% des votants se retrouvèrent avec James Schwarzenbach pour demander le renvoi d'environ 400000 étrangers. C'était une brèche sérieuse dans le consensus national."
Lausanne: Payot, 1998 [1983], p. 839.
2 commentaires:
"moins soucieux d'ordre et de propreté que les indigènes, que les Suisses allemands en particulier"
... manière dont ce texte se retourne et pose un écart apparemment involontaire dans la sphère de son propre référent-indigène...
pourquoi pas:)
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