Signes non pour être complet, non pour conjuguer / mais pour être fidèle à son ‘transitoire’ / Signes pour retrouver le don des langues / la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ? H.M.
Je me souviens du concours lancé par la commune de Renens l'année où je présentais mon projet à Pully.
Je tombe sur la page des lauréats.
Le tram avait longé, au nord, des entrepôts jaunes et blancs, des immeubles, des chantiers, au sud les voies du chemin de fer, dédoublées, et puis les doublées redoublées, et celles-ci nouvellement jusqu’à faire une ampleur de lignes recroisées et des reflets, et soudain, au-delà, le silo.
Il était tout neuf. C’était une tour de béton polygonale, deux façades grises aveugles, aboutées en trompe géométrique, la tête plantée d’antennes et couronnée de lames qui masquaient des ouvertures – les bureaux de l’Union des syndicats agricoles. C’était pour le grain. Ça dominait tout. Les voies fuyaient devant comme des anguilles.
23 commentaires:
une petite visite de nuit, pour voir briller les grains de verre sous la lune
c'est en tracteur que je viens te faire une petite visite aujourd'hui:
http://www.fgriot.net/txt/crops/
on sort faire un tour vers la montagne de verre cette nuit, forces pour toi
cette aprème je suis allé faire des images à OBI Renens, foncé comme un zouave à travers les pylônes du parking, caméra brandie à la fenêtre; me suis sauvé quand les haut-parleurs ont signalé la présence d'un intrus en bagnole décrivant des cercles vautouriens tous pneus crissants
samedi je montrerai ces images lors lecture à Genève et te les dédie, ami
un salut du dimanche
hier nouvelle lecture à Genève, cette fois-ci invité comme philosophe ;) on a dû subit la rude concurrence de Michel Rocard qui causait à l'étage en dessous... mais bon, à 9, on peut déjà tenir un siège!
sortie d'hôpital après une semaine en neurologie, migraine aphasique à aura, j'ai pensé à la montagne de verre de Renens, chaque jour, attendant le retour de la parole
chaque éclat de verre un mot reconquis
je reviens sans cesse à cette figure de la montagne de verre, d'une manière ou d'une autre, happé par ses reflets:
[...]indifférent au brouhaha des passereaux dans les ifs, puis au silence brutal, enveloppé de rafales, qui avait suivi leur envol, insensible à la puanteur des parfumeries de Z que la pluie, désormais forte, déposait partout, sur la beauté archétypale de ce cimetière en terrasse, sur les galets éparpillés qui dessinaient parfaitement la silhouette de la morte. Ce récit ne va pas plus loin.
Un ami m’envoie la photo d’une déchetterie et je sens combien ce qui se prépare me ramènera, d'une manière ou d'une autre, à cette figure, aux infinis reflets d’une montagne de verre. Cette image me serre le cœur au point de pleurer. Rien n’y parait vivant, mais l’humain est partout. Comme je crois aux signes, je prends celui-ci à témoin. Chaque lieu, fût-il désert, imaginaire ou infini, se présente sous forme d’accès. Je vais donc décider d’un point d’entrée permanent dans ce texte qui se présentait, jusqu’alors, comme une variation de départs. Pour éviter à l’ensemble de s’effondrer une nouvelle fois, dès qu’on tente d’en déplacer les éléments qui se sont agglomérés progressivement, durant les longues plages qui séparent les périodes d’écriture, je dois refuser l’idée d’espace théorique, de parole neutre, belle en temps de paix, mais monstrueuse dans la violence.
A la question « où vas-tu ? », il répondait invariablement « à l’explosif ! », indifférent au terrain, au climat, à la distance, enseveli dans une trajectoire tendue, dépourvue de direction, de perspective, suspendue entre brun et jaune, dans l’alignement approximatif de chablons et de balises, s’avisant de l’urgence d’incendier maintenant, avant qu’il ne soit trop tard, ce qui n’en finissait pas de s’accumuler, faute de mieux, faute de s’ouvrir pour déshabiller l’époque. Il sentit un cœur battre sous la housse, une tiédeur liquide, longtemps couvée, maintenant expirée, divisée par trois coutures, gant sur l’asphalte, se détacher par lamelles, dessinant de petites terrasses, d’un vert tendre de rizière. La promenade mystérieuse s’achevait ici, au pied de ce muret, sur une impression de déjà-vu, et dans un silence absolu, jusqu’à l’embouchure.
(texte anonyme, Musée de la guerre, Hô-Chi-Minh-Ville)
Cent millions de squelettes sont entassés dans cette crevasse du désert – les changements climatiques extrêmes de la dernière ère glacière ont invalidé les stratégies innées des grands prédateurs, rapidement surclassés par des animaux plus rapides – le lion des cavernes pousse l’ours au museau carré à se redresser, pour l’attaquer au ventre, puis à la trachée, sa longue queue l’aidant à s’équilibrer, acculé par la faim il oublie la tactique, et il s’élance, comptant désormais sur sa seule vitesse, elle-même déjà surclassée par celle de la hyène de roche, postée au bord du combat, du fennec à dents noires, du crotale, du scorpion. C’est comme ça que je me casse la colonne vertébrale, écoutant un type à la radio raconter la fin des dinosaures, tandis que j’essaie d’assembler ce fichu porte-vélo, au nombre pair de trous, mais impair de vis et de boulons, assis par terre, les jambes à plat, puis déchiré par le dos en voulant me redresser, après avoir planté un couteau dans le plancher juste avant la blessure, comme Cro-Magnon fichait sa massue dans l’arbre sculpté, dont on voit dépasser le manche sur la photo, juste à l’emplacement de la vertèbre brisée, fendue sous le seul poids du corps, comme si j’avais pressenti, et marqué, l’accident quelques secondes avant qu’il ne se produise, couteau à pain maintenant stupidement fiché là, sexe au gland de bois, sur cette carcasse d’aluminium.
aggravation de lumière... nouvel ajout à l'édifice de tessons
la question est de savoir si la partie visible, couverte d’inscriptions manuscrites et d’autocollants, peut s’envisager sans sa complémentaire, vague assemblage d’intentions, traversé en tous sens par les échos involontaires que l’écriture provoque inévitablement, même lorsqu’elle s’astreint à la plus grande objectivité, à la plus grande froideur possibles, pourtant, à l’évidence, déjà portée par l’ambition de surpasser le réel
ce soir sur la pointe des pieds; usine fernée, ciel clair, on avance sans bruit - déposer un tesson de plus :
"Vue d’ici, par delà cette table de soldats où chacun se regarde sans dire un mot, ressassant une lettre lue, ou à écrire, les mâchoires creusées par la mastication, chacun profondément détourné des autres et de soi, dans le vacarme des tanks dont on révise les moteurs, cette construction qui étire loin ses spirales de béton, ressemble à une arche. Mais plus on l’observe, plus les surfaces disparaissent au profit des arêtes, éveillant toutes sortes de pensées violentes, instantanément dispersées, ou amplifiées, par l’évidence d’être seul."
t'embrasse
on vient déposer la miette de verre du soir, espérant que ça finira par faire taupinière disco, à défaut de colline :)
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Le Français ouvre le frigo calé sur quatre briques : « Il va falloir y aller, en avoir le cœur net ». Personne ne répond. Pablo, maintenant complètement cuit, écrase des sucres sur la table en plastique, selon la manière qu’il avait vue faire devant les mosquées au Turkestan. D’un ongle, il dessine une rose dans le sucre en poudre. « La rose n’est pas réussite de la fleur, mais de l’imperfection. Écoutez-moi. Ayant figure de bête, le malheureux Hakim se terrait de honte au fond du désert. Plusieurs années auparavant, une nuit qu’il priait, des chasseurs, le prenant pour un loup, lui avaient coupé la tête. [...]»
il fait presque nuit, c'est maintenant que la pluie est belle sur Renens, si j'avais du courage, j'irais... mais je me rabats sur l'ordi: au drnier jour de sa vie, Horowitz a demandé qu'on lui fasse de la sole meunière, et plus du poulet, ou du saumon comme la veille // moi j'ai sacrément fin, et justement, il y a un pavé de saumon qui attend ---
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[...] passant à travers le carton comme les fantômes allemands, qui, contrairement aux français, vont et viennent sans effort. À peine a-t-on le temps de sentir la couche d’un vernis grumeleux, puis le chatouillis que ferait un nuage de mouches, tourbillonnant dans l’ombre fraîche du verso de la carte, comme ces amorces de migraine qui déclenchent un grouillement d’éclairs, jusqu’à ce que la mise au point se fasse sur le sécateur. Ces mains sont-elles vraiment celles d’un mort ? Bien sûr, comme le dit Luther, le soleil se tient ici toujours au zénith, parfaitement immobile, une lampe au milieu d’un champ. Mais curieusement, cette fixité est d’une telle profondeur, d’une telle précision, d’une telle légèreté, qu’elle fond le paysage dans la sensation de voir, tandis que la rétine, changée en buvard, pompe chaque goutte de couleur.
il a plu tout le matin, là, d'un coup, la lumière dure de l'été accidenté de la couche d'ozone; ça doit briller fort, à Renens, sur la montagne sacrée... hier soir j'ai revu "Dune", l'épice, les vers... le sable de ce désert se mélange au mien
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[...] « je l’aime, car il porte encore sa cagoule d’homme, son masque d’animal, son visage impie, sous lequel sommeille un trésor qu’il ne soupçonne pas. Il marche pourtant à mes côtés, affrontant, avec vous, les mêmes peurs, les mêmes joies, les mortifications et le jeûne, livrant bataille sur bataille, risquant sa vie sans compter, mais sans savoir pourquoi. » On entendit encore quelques mots acides au coin du feu, on aperçut des regards meurtriers, « Sale tapette, on va te crever », des poignards furent tirés, « Le Seigneur est trop bon, mais nous, on va te couper les couilles, si tu crois nous tromper ». Un jour, Hakim articula quelques mots, c’était la première fois qu’une phrase entière franchissait ses lèvres. Le dormeur s’était réveillé. Alors il accompagna Mahomet – paix et bénédiction sur lui – au-delà de la route de l’épice, une fleur de laurier sur l’oreille, dont l’huile brûle comme un esprit incarné, lui son modeste capitaine, qui ne s’arrêtait plus de prier, toujours plus loin dans le désert.
je suis passé hier à la Montagne magique - mais pas osé m'aventurer sur le site, suis resté au bord, à regarder cette beauté
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Le désert est la religion de l’homme. Ici, plus qu’ailleurs, l’horizon domine. A l’automne 1242, le prince mongol Batu Khan atteignit l’Adriatique, après avoir vaincu germains, polonais et hongrois, puis conquis sans peine la Russie dont il tua la moitié de la population. D’un caractère étrangement doux pour un seigneur de guerre, il aimait se masturber sur le champ de bataille, répandant sa semence sur les corps encore tièdes de ses ennemis. « Je reste debout, mais je vous donne ma vie. » Cette manière d’opposer une bienveillance maternelle au gâchis du combat, lui valut l’admiration des soldats, tous exilés, apatrides, orphelins, et donc, plus que quiconque, hantés par la perspective d’une mort solitaire. Les cadavres et les blessés à portée du jet, tombés du côté de leurs plaies, dispersés comme des étoiles, ou des cruches, sur leurs panaches de sang, quittaient ainsi le monde dans la volupté. Un manuscrit de 1848, conservé dans les archives de Lhassa, mentionne le saccage de Kiev par Batu. Les Mongols attribueront l’origine des déserts à cette ville blanche, brûlée jusqu’aux fondations. « J’ai domestiqué ces hommes, ou je les ai mis en fuite comme des fauves. Ici, plus qu’ailleurs, on les voit s’échauffer, par l’effet des blessures, des clameurs, de la terreur, du tumulte. C’est une fuite en tous sens de toutes les espèces, une débandade du vivant, jusqu’à la croûte nue. »
... position unique, mais indéfinissable, où chaque point de vue est une image du but...
lancé trop fort la bouteille... les éclats sont minuscules, n'ai écrit que ça aujourd'hui...
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Je n’ai jamais compris la distinction entre le réel et le rêve. Tous deux m’apparaissent comme excroissances clandestines d’un cerveau égaré, aguiché, poussé par une raison obscure hors des maisons, loin des jardins et des places, vers les coins d’excréments, vers ces angles, ces plis violacés dont on ne peut rien dire, sinon qu’ils jalonnent les rues de nuques de pendus. La faculté de choisir est si profondément enracinée en nous, qu’elle semble antérieure à tout. Commune au génie comme au parfait idiot, pas moyen d’y échapper, pour peu qu’on s’accoude et qu’on attende patiemment le dégoût, cette molle exaspération devant l’incertitude.
on a découvert des petites bêtes qui brillent sur la mer comme des tessons
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Zylos : crustacés processionnaires des sous-bois marins, capables d’escalader des arbres considérables, mais faisant, le plus souvent, de tortueuses navettes sur les troncs ombrés de la mangrove. Originairement endémiques du Surinam, on les trouve aujourd’hui, porté par les résidus industriels, par les immenses bâches de construction et autres plastiques dérivants, aussi bien vers l’équateur, collés serrés, comme des écailles de poisson, à la croûte de sel qui enveloppe la digue de Hangzhou, inlassablement crépie de déchets par le mascaret, que dans le nord, à la limite des pôles, traçant des cercles chromés sur les taches blanches des orques dont la peau, maintenant gorgée de chlore, magnétise et perturbe ce coquillage banal, au point de lui faire produire des perles.
elles sont partout, les pastilles de verre, ce matin il y en a plein les murs! Baci
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Chaque fois qu’un soldat part à la guerre, pire encore, s’il y meurt, quelle que soit l’armée et la cause qu’elle prétend servir, une auréole s’allume sur le foyer de ses parents. C’est une grande lumière aveuglante, rencontre du deuxième type en équilibre sur le toit, ou disque de taille variable, pouvant se contracter à la taille d’un ongle et s’ouvrir comme un œil, n’importe où dans la maison. Certaines chambres, certains salons, sont crépis de ces pastilles claires. On s’y croit assis au bord de la mer, à regarder les rochers mouchetés par l’empreinte des coquillages en forme de chapeaux japonais que les gosses ont arrachés à coups de canif pour en faire des appâts. De même qu’ils désagrègent la pierre une fois les sucs du mollusque exposés au soleil, ces cercles domestiques détruisent de la façon la plus horrible la classe sociale qui est la leur. Quelques gouttes de sperme, par enfant sous les drapeaux, tombées de la lourde et puissante queue de Centaure, du sommet de l’état sur ces modestes logis, et conservées comme des reliques par des familles déboussolées, cheminant en troupeaux galleux, entre désespoir merdeux et fanatisme, de l’office de chômage à l’église, et retour.
Sardine Run
Quel paradoxe ! Nous sommes nourris au sein avant d’apprendre la haine. Mais certains n’ont pas appris. Des milliards de sardines font un va-et-vient au large de l’Afrique australe, portées par un réflexe fossile qui les menait jadis vers le nord, lorsque les eaux polaires emplissaient les océans, mais qui les livre désormais aux prédateurs, baleines, requins, dauphins, phoques, cormorans et toutes sortes de poissons tropicaux affamés. Comme ce banc innombrable, l’écriture perpétue l’éclosion de vies aberrantes et sacrifiées. Je suis resté cet enfant doux fragile et triste, que la violence a rendu fort, radical et heureux.
Métamorphose d’Indien,
diagonale au cheval fou sur précipice d’air,
son empreinte est spasme de terre,
nul signe pourtant, ni mains, ni rênes,
à peine une lande rase,
sans encolure, ni tête.
ce soir ce sera deux films sur "La Piazzetta" de Renens - en pensée
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Il y a les phrases qui façonnent et celles qui racontent. Les premières appellent la constance, les secondes le changement. Le langage définit ainsi deux manières de vivre : apprendre à obéir, ou apprendre à naître. Passé le cap de choisir, arrive la littérature dépourvue de fonction, et la solitude heureuse.
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