Ce matin, au réveil, je soulève mes stores vénitiens en aluminium et voici que, devant le château fort, des journalistes ont braqué leurs engins sur les Afghans, dont la plupart sont hirsutes. Et silencieux. Il y a un gros malabar avec une caméra. Devant lui, un type tend son micro à un autre type, peut-être un militant d’une association de défense des sans-papiers. Près d’eux, une autre interview est menée, sans doute pour la radio. Il y a des lumières qui volètent. L’une d’elles fuse d’un projecteur. Elle est très puissante. Je ne peux m’empêcher d’y voir une touche policière. Je reste à ma fenêtre, un moment.
C’est jeudi. Les dames du ménage arrivent plus tôt que prévu. Il faut libérer la chambre. Je sors patienter à l’un des cafés qui fait face à la gare de l’Est. Dans Le Parisien, confirmation de la nouvelle apprise hier soir de la bouche de Mme Keller: un Afghan a été poignardé dans le jardin. "Normal: c’est une zone de non droit", m’a-t-elle dit. Avant d’ajouter: "Ils dealent…" C’est probablement la cause de la bagarre et du coup de poignard. Dans le journal, un encadré rappelle qu’au début du mois de mars (je venais d’arriver), les services de renseignement ont établi que le square (c’est le mot qu’utilise le journaliste: pas "jardin", mais "square") est le centre d’un puissant réseau d’immigration clandestine. Les Afghans transitent par ici en attendant de passer en Angleterre.
Nouvelle impression étrange: voici que les flux des grandes migrations planétaires et ceux des diffuseurs multi-médiatiques aboutissent aux abords du canal Saint-Martin, dont, les semaines passant, je me figure de plus en plus qu’ils sont d’une ville de province, qui vit pépère, et non pas tant d’une ville mondiale.
Ce doit être l’effet de la situation de ma chambre (que j’appelle aussi ma cellule, parce que je vis dans un ancien monastère, qui fut aussi une prison), de ma fenêtre haut perchée, des branches qui ploient maintenant sous leur feuillage et des traits de soleil qui traversent les stores et qui font des lamelles d’ombre sur la paroi, la paroi de ma cellule blanche.
Signes non pour être complet, non pour conjuguer / mais pour être fidèle à son ‘transitoire’ / Signes pour retrouver le don des langues / la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ? H.M.
13 mai 2010
Paris carnet de la patience 8
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