Relis Perec. Il s’attarde sur les mots qui désignent la possibilité de passer d’un côté à l’autre d’une rue. On appelle passages cloutés ceux où l'on trouvait, en effet, des clous métalliques fichés dans la chaussée. Quand il s’agit de bandes de peinture, les passages, dit-on, sont matérialisés. Ce mot me semble parfaitement idoine pour exprimer le sentiment qui m’a pris l’autre jour en voyant les ouvriers municipaux rafraîchir les bandes, sur la rue du faubourg Saint-Martin, devant l’Indiana. Sentiment, oui, que les bandes se matérialisaient, devenaient immédiatement matière et matière indélébile. Ce sentiment, d’ailleurs, s’est beaucoup émoussé depuis. Quand on traverse la rue à ce niveau, ces jours-ci, on n’est pas loin de penser que les bandes n’ont pas dû être rafraîchies depuis des années.
Je lis: "Se forcer à écrire ce qui n’a pas d’intérêt, ce qui est le plus évident, le plus commun, le plus terne." Là, je ne pense pas au passage pour piétons. D’abord, je vois sous un autre jour la place des Ternes (que je n’ai jamais vue). Je pense aussi aux phrases qui décrivaient mon projet de roman, tout au début: "Trois générations. La guerre, l’émigration, la vie morne." J’aurais pu écrire: la vie terne. C’est-à-dire la vie d’aujourd’hui. C’est-à-dire l’évident. L’évident est terne, relativement au passé – les couleurs du passé sont, ou peuvent être, passées, mais jamais ternes.
Signes non pour être complet, non pour conjuguer / mais pour être fidèle à son ‘transitoire’ / Signes pour retrouver le don des langues / la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ? H.M.
18 septembre 2010
Paris carnet de la patience 16
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