Dans les jours qui suivent immédiatement l’envoi d’un chapitre de thèse à mon directeur, je goûte seul et en silence au charme de Paris. Je sors du couvent, m’arrête une minute pour m’éblouir du jeu d’éclats virevoltants que provoquent sur les arcs et les façades du bâtiment les petites guirlandes de miroirs accrochées aux bambous qui fléchissent gracieusement au-dessus d’un carré de gazon, lequel est traversé d’un chemin et ponctué d’un monticule de gravier bleu. Je passe la grille, lourde et pourtant aérienne, traverse la rue, regarde s’étager à rebours, dans la profondeur, la crête des immeubles jusqu’à la Porte Saint-Martin et au-delà.
Je m’assieds à la terrasse de l’Indiana. Le gérant me demande toujours: "Ça va?" Je réponds: "Bien, bien." Je commande deux Pancakes et un espresso. Et j’effeuille Libération.
Je lis ce qu’on y écrit de la ville numérique. Les messages Twitter affichés aux murs de Berlin. Les photos de Google Maps. La géo-localisation. Devant moi, la ligne des tables disposées à même le trottoir, comme partout dans cette ville. Je n’y prends jamais place. J’aime me tenir en retrait, sous la sorte de véranda dont on rabat les portes-fenêtres en accordéon. J’y vois se dédoubler, se confondre les reflets des passants, des voitures, tandis que d’autres passants filent sur le trottoir, que d’autres voitures empruntent une foule de directions au carrefour.
Il y a les poteaux des feux. Le trompe-l’œil à l’angle de Saint-Martin et des Récollets, au-dessus de l’armurerie. J’aimerais décrire, j’aimerais écrire le trompe-l’œil un peu comme Jacques Réda sait le faire. Ici, des camions sont au premier plan. Des publicités se succèdent en déroulé sur le dos des remorques. Pour moi, la rue en trompe-l’œil est une réinterprétation de la rue du Faubourg Saint-Martin. La porte est au fond, mais la rue est pentue. Elle a l’air de monter. Les camions ne pourraient pas s’y engager comme ils sont, les uns aux côtés des autres. C’est un dessin très moyen. Les couleurs ont perdu leur vivacité. Mais je l’aime bien.
Signes non pour être complet, non pour conjuguer / mais pour être fidèle à son ‘transitoire’ / Signes pour retrouver le don des langues / la sienne au moins, que, sinon soi, qui la parlera ? H.M.
08 avril 2011
Paris carnet de la patience 21
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