"La littérarité qui a rendu possible la littérature comme forme nouvelle de l’art de la parole n’est aucune propriété spécifique au langage littéraire. Au contraire, elle est la radicale démocratie de la lettre dont chacun peut s’emparer."
Jacques RancièreVouloir "écrire un roman" supposerait de viser une écriture déjà constituée, l’écriture romanesque. Toutefois, dans le passé, il m’est arrivé de croire que cette écriture, disons plus généralement l’écriture littéraire, formait dans la société l’un des quelques possibles de la langue en général, possibles peu nombreux et parmi lesquels la littérature occupait une place éminente.
Hier soir, je relisais en diagonale, très vite, un article pour ma thèse. Je suis tombé sur: "Deuxièmement, les modalités de croissance d’un réseau vont déterminer le degré de sélectivité des services afférents..." Et j’ai pensé: voici un possible, dans la société d’aujourd’hui, qui me paraît, d’abord, d’une élaboration tout à fait comparable à l’élaboration littéraire – ou qui est littéraire – et qui, d’autre part, me semble être un possible parmi des milliers, parmi des millions d’autres. Il en a résulté cette impression, ou la confirmation de cette impression, assez largement répandue, je crois, que la littérature n’est plus aujourd’hui qu’une manière très exiguë d’intervenir dans la société et que son voisinage avec tant d’autres parlures explique son air un peu pâlot, un peu maigrichon et, tout compte fait, son statut extrêmement secondaire.
Bien sûr, c’est complètement faux.
Ou bien, disons que c’est à creuser.
En attendant, il me reste à écrire un roman bien nourri et coloré.
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